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Instagram est en train de révolutionner le monde du voyage et pas forcément en bien ! L’instagrammabilité est sur les lèvres de tout le monde dans le milieu du tourisme : les voyageurs veulent partir vers un pays « instagrammable », les destinations veulent montrer leur pouvoir d’ « instagrammabilité » pour attirer les visiteurs sur leur territoire, et enfin les influenceurs essayent de récolter le plus de J’❤️ possible en espérant ainsi inspirer le plus grand nombre ! Dans cette course à l’égo et l’attractivité, nous avons perdu les valeurs qui sont les plus chères au voyage comme l’apprentissage, la tolérance, l’échange ou la bienveillance, mais aussi oublié la préservation de l’humain et de son environnement. Depuis son lancement en 2010, Instagram est devenu le guide de voyage des plus jeunes qui choisissent leur destination en fonction des photos que les algorithmes veulent bien leur laisser voir, plutôt qu’en fonction de leurs réelles envies. Mais pourquoi voyageons-nous aujourd’hui ?
Voyage et Instagram
Depuis quelques mois je déserte Instagram car je ne m’identifie plus à ce que j’y vois et ce qui y est partagé. L’article « Outdoor Burnout » de les Others, ainsi que « I didn’t do it for the ‘gram » de la blogueuse Parttimetraveler publiés récemment, transcrivent assez bien ce que je ressens et m’ont conforté dans mon choix de me recentrer sur ce que j’aime et celle que je suis, plutôt que sur celle qu’il faut être pour être aimée.
Le journaliste de National Géo, Andrew Evans (dans Campus time), a trouvé les mots justes pour exposer les changements que les réseaux sociaux ont opéré ces dernières années :
Parce qu’aujourd’hui tout monde cherche des lieux pour faire des selfies dignes d’Instagram, […] nous avons détruit des sites emblématiques », a t-il déclaré. « Nous avons dégradé ce que j’aime le plus dans le fait de voyager, à savoir créer des liens avec de vraies personnes dans des endroits vivants.
Je me sens assez en phase avec cela.
Enfin, l’article de Wedemain.fr, Instagram et les influenceurs : une menace pour l’environnement ?, fait aussi longuement réfléchir sur notre façon de voyager et partager nos voyages, même si j’en avais déjà bien conscience avant la lecture de cet article (cf mon bilan 2018).
Ce qui m’anime dans le fait de voyager, c’est autre chose que la beauté d’un lieu ou d’une destination et si je repense à quelques uns de mes plus jolis souvenirs de voyage, aucun n’est réellement sur les réseaux sociaux. Tout simplement parce que l’instant présent est plus important que la photo de l’instant.
Voyager…
Robert-Louis Stevenson a un jour écrit :
L’important ce n’est pas la destination, c’est le voyage.
Je le rejoins.
J’ai commencé à voyager dans les années 90 à l’heure où internet et les réseaux sociaux n’existaient pas. Mon voyage d’un an en Australie en tant qu’étudiante échange a été, je pense, très déterminant dans ma façon de voyager par la suite. Ancrée dans une ville de Nouvelles Galles du sud, l’important n’était pas de découvrir le pays mais de m’intégrer dans la culture locale. De profiter de chaque instant de cette année unique.
Je n’avais aucune pression sur mes épaules pour partager mon année. J’écrivais des lettres à mes proches, leur racontait mes petites histoires d’étudiante et c’était suffisant. Un voyage d’une autre époque, vous avez raison de le penser.
C’est l’histoire d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre
chantait Aznavour
Les photos n’étaient prises que pour composer les souvenirs de cette année unique. Elles sont précieuses et représentent aujourd’hui un chapitre important du livre de ma vie mais les souvenirs les plus riches et sincères ne sont pas certainement pas ceux figés sur du papier glacé.
Je ne suis pas nostalgique de cette époque, loin de là, je pense juste qu’avec l’explosion de la bulle internet et le prix de plus en plus accessible des billets d’avion, nous avons parfois perdu le sens de nos voyages. Leur POURQUOI.
La question pourquoi est très importante, elle nous permet de nous recentrer quand on se perd, ça et là, dans les méandres de la vie.
Mes meilleurs souvenirs de voyage ne sont pas sur Instagram
Mes meilleurs souvenirs de voyage ne sont pas sur Instagram. Pourquoi ? Parce qu’une photo fige un instant et que pour le figer, vous devez être concentré sur l’action, pas sur l’instant en lui-même.
On ne vit pas l’instant présent par écran interposé.
Photographier un paysage, déjà maintes fois relayé sur les réseaux sociaux, n’est pas un souvenir de voyage. C’est juste une façon de dire « j’y étais ».
Si vous m’avez un peu suivi sur Instagram, vous aurez certainement compris que le texte y a tout autant d’importance que le visuel mais les récits n’y ont pas leur place. On donne plus de crédit à une photo d’aurore boréale qui aura pour texte « aurore boréale » qu’à une photo qui relatera les émotions perçues.
A l’égotrip ou l’esbroufe, je préfère les histoires, celles qui sont finalement la raison pour laquelle j’aime voyager. Elle sont toujours la source de mes inspirations.
Les histoires sont totalement personnelles et génèrent des émotions, contrairement aux images devenues banales. Et puis pour être très honnête, à voir toujours les mêmes photos passer sur les réseaux sociaux, il n’y a que déception et frustration en perspective : trop de monde sur le spot à photographier, un site qui ne ressemble pas à l’image qu’on en avait en tête… Cette déception je l’ai vécue dans le cercle d’or lors de mon road trip en Islande. Même si je n’ai pas spécialement cherché les spots en question pour m’y rendre une fois sur place, la destination est tellement populaire sur Instagram qu’on ne peut pas passer à côté. Comme les Dolomites, la Namibie, Venise en Italie ou le lac de Bled en Slovénie…
En voyage, il y a ce que l’on voit et ce que l’on vit.
En voyage, je choisis la vraie vie car un souvenir ne se fabrique pas. C’est un moment qui se vit puis se transforme en souvenir !
Je pourrais passer des heures à vous parler de ces moments tantôt furtifs, tantôt profonds que j’ai vécus et m’ont fait sourire, pleurer, rêver, aimer ou détester… Ces moments qui ont nuancé mes voyages, qui leur ont donné une couleur et des émotions.
Je pourrais vous parler de cette soirée à taper sur des casseroles et chanter aux champs-Elysées de Joe Dassin au fin fond du Sri Lanka, de la rencontre émouvante comme jamais d’une mamie dans un bus en Inde, d’une discussion avec une backpackeuse allemande de 70 ans dans un dortoir sur un Ilha Grande au Brésil, de la rencontre de mes amies néo-zélandaises dans un tuk-tuk au hasard d’un soir d’orage au Rajasthan en Inde ou de celle d’une jeune fille venue me parler à ses risques et périls en Birmanie alors que la junte dirigeait le pays.
Je pourrais vous parler de bien d’autres instants. Ces souvenirs, et des milliers d’autres encore, sont gravés dans ma mémoire et ont une place particulière dans mon coeur.
Ils ne sont pas sur Instagram.
Ils ne sont pas photographiés ou quand ils le sont, ils n’ont aucun pouvoir d’instagrammabilité voire ils pourraient mettre la vie d’une personne en danger. Comme celle de cette jeune fille en Birmanie.
Lâchons Instagram et voyageons !
Bouddha a dit
Toutes les images sont des mensonges, l’absence d’image est aussi mensonge.
Créons-nous nos images intérieures.
Plutôt que de nous montrer en train de jouer avec des enfants, jouons avec eux.
Plutôt que de photographier des gens à la volée, parlons avec eux.
Plutôt que de photographier un paysage maintes fois vu, faisons corps avec lui.
Plutôt que de nous montrer en train de voyager, voyageons !
Plus tard, quand nous remonterons le fil de nos souvenirs, nous nous souviendrons bien plus de ces instants précieux que du selfie ou de la story que nous avons pris dans un beau paysage (avec des centaines d’autres personnes) pour les partager sur Instagram.
D’ailleurs que seront Instagram et autres réseaux sociaux dans 10, 20 ou 30 ans ?
Personne ne peut prévoir le chemin que ces technologies vont prendre. Dans 10, 20 ou 30 ans, nos jolis souvenirs, eux, seront intacts dans nos mémoires.
Par ces mots, je ne dis pas qu’il ne faut plus photographier, je dis juste qu’il faut mesurer ce que nous partageons, comment nous le partageons et pourquoi nous le partageons.
La terre et notre charge mentale s’en porteront beaucoup mieux !
Alors posons-nous et questionnons-nous :
Pourquoi voyageons-nous ? Qu’avons-nous envie de retenir de nos voyages ? Quel message souhaitons-nous véhiculer ?
Plutôt que de se regarder le nombril, de penser à combien de J’❤️nous allons récolter et à toutes les futilités qui vont avec, pensons à ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons.
Réfléchissons.
19 commentaire
Je viens de passer une semaine dans un hôtel instagram
Une fois sur place, j’ai réalisé que je l’avais notamment choisi en raison des photos sur le net. Tout était parfait.
Chaque chose avait sa place, chaque place avait sa chose pour que finalement la photo soit parfaite Au début c’est sympa, surprenant, tu vie presque dans l’écran de ton smartphone mais au final c’est (assez) ennuyeux.
Heureusement pour nous sommes sortis pour aller voir ailleurs, mais je me demande sur les nombreuses personnes présentent combien n’ont pas quitté cet hôtel mode 2.0., et n’ont rien vu de l’île ou nous étions et ne garderons que le souvenir de leur séjour façonné IG
C’est ça le problème, tout est fait pour faire rester les clients dans le lieux mais derrière le beau, il y a surtout le vide (si tu t’arrêtes à ça). Aujourd’hui nous sommes manipulés par les images et tellement qu’on en oublie l’essentiel. C’est triste !
comme je te rejoins.
Nous étions en Hongrie en Mars. Hors saison. lac Balaton et une journée à Budapest
A Budapest, j’ai été sidérée par les selfies… tant pour soi et si peu pour voir le jeu du soleil et des nuages sur les toits de la cathédrale.
comme on a aimé prendre les vélos loués par l’hôtel pour un tour de roue sur le lac, nous baigner au lac thermal d’héviz et y passer la journée au milieu des hongrois. Nous réfugier dans un resto « hors des guides » un jour de pluie et apprécier l’accueil du patron.
c’était un voyage de la douceur, de la lenteur ….et qu’est ce qu’on se sent bien alors !
C’est fou comme l’arrivée de la photo numérique et surtout des smartphones nous a recentré sur nous plutôt que sur ce qui nous entoure. Il y aurait une étude à faire sur l’évolution de l’homme à ce sujet non ?
Il est des choses qu’il faut dire, alors merci pour cet article et sa sincérité.
Instagram n’est qu’un moyen que nous avons la possibilité d’utiliser … ou pas. Et il n’appartient qu’à nous de savoir pourquoi et comment publier sur ce réseau. Alors la question est pourquoi publions-nous sur IG ?
Pour une course aux likes ? Ou pour montrer des photos que nous avons prises et qui représentent pour nous quelque chose qu’on souhaite partager avec amis et followers ? Et dans ce cas, abandonnons toute idée de score et contentons-nous de relater en images des émotions vécues au cours de voyages.
C’est tout à fait ça. Comme je le dis dans l’article, on peut partager mais réfléchir à pourquoi nous le partageons. Récolter des likes ne devrait pas en être la raison première.
Nous avons un tout petit peu laissé Instagram à l’abandon au profit de notre qualité général de blogging pour ce genre de raisons. Instagram ne reste pas, c’est trop instantané, du fastfood voyage. Le blog par contre raconte une histoire, relate d’un récit, explique pour quelles raisons nous avons choisis de manger là. Pour quelles raisons nous avons choisis de rester dans cet auberge-Airbnb-Hôtel. Nous expliquons des bon plans à la portée de tous. Nous nous posions également la question récemment sur ce qui arriverait à tous ces Influenceurs (oui oui avec un I majuscule) si demain Instagram était pour une raison ou une autre arrêtée.
Je ne sais plus quelle bloggeuse avait également rédigé un article « Comment Instagram à tué le game » il y a peu de temps et ouvrait encore une autre brèche concernant le réseau-social.
Le fast food du voyage, c’est tellement ça. Au début je voulais me servir d’Instagram comme de ma galerie photo et puis en fait je me rends compte qu’il ne présente aucun intérêt, que j’y passe du temps pour rien donc j’arrête. Je préfère aussi me recentrer sur mon blog, au moins je peux y nuancer mes propos, y raconter mes histoires et répondre aux attentes de mes lecteurs. Instagram est trop éphémère, manque de profondeur et surtout beaucoup trop dans l’égo. Je ne voyage pas pour parler de moi.
Oui puis ce format carré… (aller une autre couche). Je prends toutes mes photos en format rectangulaire et je prends grand soin pour réaliser mes compositions ! Devoir couper une partie de la photo pour avoir une bonne visibilité me fends le cœur !
Bon beh c’était exactement ce que je voulais dire, voilà 🙂
Coucou Adeline,
je suis tombé sur ton article via une épingle Pinterest qui m’a attiré l’œil. Un très bel article qui transcrit très bien la réalité des choses, en tout cas ma réalité du moment. Je suis presque à deux doigts de clôturer mon compte Instagram et les autres tellement je n’en peux plus parfois des RS. Depuis le début je lutte avec ces RS mais je reste persuadé qu’il vaut mieux produire un contenu de qualité sur le blog plutôt que de ce focaliser sur des RS éphémère, par définition…
En tout cas, une très belle réflexion qui fait plaisir à lire, ça change !
PS : l’article m’a fait trop fait pensé (même si le rapprochement est pas simple) à une chanson de Saez, la Belle au bois…
Je vais continuer à fouiller ton site avec plaisir 🙂
Sylvain
Ton article est très prenant… Et me fais réaliser que moi aussi j’en étain arrivée a penser que telle photo est instagrammable… Ton article va sûrement m’aider à me recentrer sur ce qui m’anime vraimen. Merci et belle journée
Hello !
Merci pour cet article où tu as su mettre des mots sur ce que j’avais de la peine moi-même à décrire.
Je n’ai jamais vraiment adhéré à cette mode des « Influenceurs voyage », mais c’est vrai qu’on est vite tenté de se prendre au jeu. Et de s’y perdre.
J’ai failli « tomber dedans » si j’ose utiliser ces mots. J’étais en Australie pendant 6 mois et j’ai commencé à suivre des voyageurs sur place. Leurs photos étaient sublimes, à faire rêver. Et puis j’ai essayé quelques fois de faire pareil (de se mettre en scène) et puis je me suis dit : « non mais t’es ridicule là Léonore. Ca ne te ressemble pas et tu perds ton temps. Profite plutôt de vivre ce que tu es en train de vivre, de la chance que tu as de voyager et d’être ici. »
Alors j’ai décidé de faire comme j’ai toujours eu l’habitude de faire, une photo par jour pour raconter nos aventures à mes proches, à ceux qui veulent bien me suivre. Et c’est comme si ma tête était libérée d’un poids. Cela peut paraitre bête mais j’étais toujours un peu stressée de ne pas faire LA photo. Mais qu’est-ce que c’est LA photo ?
J’ai décidé que LA photo était celle qui décrivait au mieux ce que j’ai ressenti sur le moment, ce que j’ai vraiment vécu.
Encore merci d’avoir mis des mots sur ce phénomène qui mange petit à petit les voyages et leurs sens profonds.
Superbe article qui décrit parfaitement un des nombreux symptômes d’une société égocentrique et individualiste. Seule la forme compte, il n’y a plus de place pour le fond.
Bravo pour cet article ! Tout à fait d’accord. J’ai arrêté de poster et de lire Instagram depuis un an et j’ai tout récemment décidé de passer à l’étape suivante : fermer mon compte IG. C’est chose faite et comme je me sens bien et libérée !
Totalement d’accord. Les gens se focalisent plus sur la forme et le paraître que sur le fond. Pauvre humanité.
Je partage totalement ta vision des choses, j’ai moi aussi commencé à voyager avant instagram, facebook and co et c’est clair que l’arrivée des réseaux sociaux a changé beaucoup de choses.
Mais les destinations touristiques s’en servent aussi beaucoup maintenant, c’est devenu leur principal vecteur de communication pour attirer toujours plus de monde et les gens veulent reproduire les photos qu’ils ont vu. On se retrouve même sur certains sites avec des files d’attente pour faire une photo « instagrammable » (je trouve ça hallucinant d’ailleurs).
De toute façon une photo ne pourra jamais remplacer les moments vécus, et c’est pour tous ces moments que je voyage 🙂
C’est vrai que les destinations touristiques s’en servent beaucoup mais je pense sincèrement que certaines vont s’en mordre les doigts dans le futur.
Hello Adeline,
Merci beaucoup pour cet article qui fait réfléchir sur les conséquences néfastes de l’utilisation d’Instagram.
La géolocalisation est vraiment un problème.
Des endroits magnifiques sont gâchées par le tourisme de masse et par les personnes qui veulent faire des photos instagrammables.