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Aung San Suu Kyi doit gagner

par Adeline
Publié Mis à jour le

Aung San Suu Kyi - Dans la pagode Schwedagon

« Les voyageurs peuvent être utiles au pays. Tout dépend de ce qu’ils font et de la manière dont ils le font (…). Les touristes peuvent attirer l’attention du monde sur le peuple birman, de même que le peuple birman peut ouvrir les yeux des touristes sur la situation de leur propre pays, à condition qu’ils souhaitent la voir »

Aung San Suu Kyi, 1995

La Birmanie, comme l’Inde, était un rêve.  Si mon choix (controversé) d’y aller durant ce tour du monde était arrêté, le pouvoir en était autre chose au regard de la politique douteuse de ce pays et des élections annoncées pour 2010. Alors j’en rêvais…

En rêvant, je me suis demandée comment vivaient les birmans. Je me suis imaginée beaucoup de choses de ce pays coupé du monde extérieur et notamment qu’il n’y avait pas d’accès autre qu’à une actualité censurée, pas de marques, pas de nouvelles technologies, pas de cinéma, un accès très limité à internet, pas de téléphonie mobile, pas de publicité. Juste le minimum vital et encore…

J’y suis. Je suis à Yangon. Je flâne. J’observe. Seulement deux jours et je suis étonnée, interpelée par cette ville et par les connaissances des birmans sur le monde extérieur. J’ouvre grands mes yeux et je vois…

Je vois des jeunes aux coiffures déstructurées/jeans slims/portables dernières générations à la main côtoyer des hommes portant les traditionnels longyi. Je vois des boutiques de téléphonie ou de nouvelles technologies côtoyer des petits bazars de rues. Je vois des petites supérettes ne vendant que des marques birmanes, côtoyer des cyber cafés où les sites tels que Facebook, Skype, Google ou d’informations internationaux tels Le Monde ou Le Figaro sont accessibles (merci les proxy américains). Je vois des publicités pour des marques telles que Samsung ou Omega côtoyer les restaurants de rue et les traditionnelles maisons de thé ne vendant que des marques locales. Je vois des cinémas avec à l’affiche des superproductions américaines tels Le choc des titans ou Wolfman côtoyer des productions birmanes. Je vois d’imposantes villas bien entretenues et protégées par des fils barbelés côtoyer la faim. Je vois de magnifiques bâtiments coloniaux tombant en ruine côtoyer  une ville propre, sans déchets ni ordures apparents…

Comment ne pas être interpelée ? Les questions bouillonnent dans ma tête… sans réponses ! Il est impossible d’engager cette discussion avec les birmans. Je ne sais pas où se cache cette junte oppressante. Je ne la vois pas. Elle peut être partout, à tous les coins de rue. Le seul moyen est de laisser ceux qui le souhaitent venir nous parler de leur situation.

Je continue d’avancer dans cette ville sans vraiment créer de contact avec la population sauf avec la merveilleuse famille de ma guest house mais avec laquelle il n’est jamais question de politique intérieure. J’échange de nombreux sourires et déjà la gentillesse, la retenue et la timidité des birmans se fait sentir !

Yangon est pour moi synonyme de pagodes en or, de moines, de Bouddhas, de méditation, de sourires, de vibrations, de réflexions et d’incompréhensions que je vais vous raconter en images à la fin de ce post.

Je préfère vous parler d’une rencontre…

Avec Rachel, autre tourdumondiste qui m’accompagne durant ce séjour en Birmanie, nous flânons au rythme de nos objectifs dans la Paya Shwedagon. Cette pagode est l’édifice le plus sacré de Birmanie. Vieux de 2500 ans, il serait recouvert de plus d’or qu’il n’en serait contenu dans les coffres d’Angleterre ainsi que d’une myriade de diamants, de rubis et d’émeraudes. C’est incroyable de voir autant de richesses réunies sur quelques 5 hectares.

Le soleil et la chaleur tombent, la pagode s’anime. Des moines de 4 à 77 ans et de nombreux pèlerins viennent se recueillir devant Bouddha ! Comme en ville, les gens nous sourient.

Après deux heures à flâner et alors que nous nous apprêtons à quitter la pagode pour rentrer doucement vers notre pension, Rachel sourie à une jeune fille et son papa. Spontanément la jeune fille vient nous parler. Après les présentations d’usage de notre côté, nous lui demandons son prénom. Elle nous le dit et nous le traduit : « Mon prénom signifie Aung San Suu Kyi doit gagner » !

Je relis l’histoire de la Birmanie et j’estime à 20 ans l’âge de cette jeune fille. En 1990, la ligue nationale démocrate menée par Aung San Suu Kyi gagnait 82% des sièges du parlement. Les militaires ne lui céderont malheureusement jamais le pouvoir. Depuis, le pays continue de s’enliser sous la dictature et Aung San Suu Kyi a plusieurs fois été assignée à résidence. En 2002, elle bénéficie d’une liberté totale de mouvement qu’elle perdra un an après. Elle est alors arrêtée dans les environs de Mandalay alors qu’elle visitait les bureaux locaux de la LND en compagnie de 250 membres. Elle est emprisonnée chez elle depuis 7 ans.

Du bout des lèvres, la jeune fille de la pagode nous demande si nous connaissons le Myanmar et sa situation politique. N’osant parler, nous confirmons d’un hochement de tête. Elle nous glisse doucement que le pouvoir en place n’est pas bon, mieux que le précédant certes mais toujours oppressant. Elle nous dit que les élections sont truquées mais qu’elle espère toutefois un jour être LIBRE ! Nous échangeons nos adresses mails. Elle nous demande par 3 fois avec son joli sourire : « Le jour où je serai libre, est-ce que je pourrai venir vous rendre visite en France ? ». Nous lui confirmons que ce sera un grand plaisir pour nous de l’accueillir. Nous la voyons s’éloigner accompagnée de son papa et déjà ses mots résonnent dans ma tête. Je prends réellement conscience que malgré les apparences, ce peuple n’est pas libre de ses choix, de ses décisions, de ses mouvements.

J’aimerais comprendre son quotidien, comment se caractérise cette oppression. J’espère que viendra le moment où j’obtiendrai quelques réponses à ces questions qui se bousculent dans ma tête. Pour l’instant, je ne peux m’empêcher de penser que les birmans rêvent d’une chose que j’ai la chance d’avoir au quotidien : la liberté.

La liberté de parler, de penser, d’agir,  bouger, de manger, de me rebeller, de fuir, de voyager…

Tout simplement la liberté de vivre.

 

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6 commentaire

Marie mercredi 2 juin 2010 - 15:40

superbe post, très émouvant…
Cela donne envie.
En espérant une meilleure connection skype dans les prochains jours.
Bises
Marie

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So & Arno vendredi 4 juin 2010 - 00:40

Beau texte. C’est toujours difficile de rendre compte de l’atmosphère qui règne dans un pays ou une ville. Bravo pour ta description.
Bonne continuation et découvertes ; )
so & arno

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alice lundi 16 août 2010 - 12:21

Magnifique description… Je reviens également d’un tour du monde et je suis également passée par la Birmanie… Ce que tu écris rapporte exactement les impressions que nous avons eues…Bon voyage.

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flo mardi 25 janvier 2011 - 10:20

Ceci me rappelle notre voyage, cette même impression de revenir avec plein de questions en tête dont on n’a jamais pu avoir un commencement de réponses sauf une fois avec un moine …
Tu n’en parles pas mais sur certains sites tels que Bagan et inwa, par exemple, nous avons été surpris de se faire « harceler » par les vendeurs de souvenirs, on se serait cru en chine! Ce côté là nous a vite usé sachant qu’on ne s’y attendait pas du tout. As tu vécu la même chose ? Puis, ces petits gamins dans les grandes villes ou sites touristiques comme Mandalay et autre, qui t’accostent avec des « Money, Money » !! Et là on se dit que les touristes, ne font pas que du bien du tout autour d’eux. Preuve à l’appui un soir, des touristes sortant d’un resto où nous étions qui ont donné aux gamins sans aucune autre forme de discussion des billets de 1000 kyats, ça m’a profondément désolé et énervé. Voilà comment contribuer à ce que ces gamins n’aillent plus à l’école et deviennent des mendiants car ce sera toujours plus rentable pour les parents …

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Mario Dubé vendredi 18 janvier 2013 - 03:24

Bonjour Adeline,
Je me suis mis à lire tes posts sur le Myanmar car j’y vais dans un mois. Celui-ci et très touchant. Bravo !

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